Le lycée agricole de Saint Paul au pays des Épines dans le sud Malgache

Dans le cadre du programme d’action de coopération de FORMA’TERRA financé par la Région Réunion sur les fonds de l’UE du programme INTERREG VI, 7 étudiants en formation BTS DARC (Malya, Aymeric, Feno, Meganne, Emma, Gabrielle et Thevanessen) accompagnés de 2 de leurs enseignants en agronomie (Aurélien Velle et Didier Ramay) ont réalisé du 18 au 29 novembre 2024 une étude du système agraire et du développement agricole de la plaine sédimentaire située entre les fleuves Mandrare en Région Anosy et Manambovo en Région Androy. Cette étude in situ s’inscrit dans le cursus de formation des futurs techniciens réunionnais et leur permet d’appréhender d’autres formes d’agriculture des pays voisins.

La plaine sédimentaire retenue pour cette étude est un vaste territoire longeant l’Océan Indien d’environ 5000 Km2 (le double de la Réunion). Elle se caractérise par des conditions pédo - climatiques difficiles pour l’agriculture : moins de 400 mm de pluviométrie par an qui tombent essentiellement entre décembre et mars, des vents violents et des sols principalement sableux peu fertiles (moins de 1% de matière organique). Dans ces conditions difficiles, la forêt xérophile semble avoir trouvé sa place. Elle se caractérise par la présence de la famille botanique typique du sud malgache, les Didiéracées dont l’arbre pieuvre (Allaudia procera), le Fantsilotral en langue locale, marque les paysages de l’Androy.

Ce séjour a permis aux 7 étudiants BTS DARC (Brevet Technicien Supérieur « Développement Agricole des Région Chaudes ») d’appréhender et réaliser la caractérisation de l’agriculture locale et de son développement. Ils ont bénéficié de l’appui des deux partenaires de FORMA’TERRA, l’association paysanne Cactus for Life et l’ONG malgache CTAS (Centre Technique Agroécologique du Sud). Ceux-ci ont mis à disposition leurs réseaux d’acteurs locaux avec lesquels les étudiants ont pu réaliser de nombreuses visites de terrain, échanger avec les agriculteurs. Les étudiants ont aussi pu voir les projets mis en place par les acteurs pour relever les défis actuels auxquels sont confrontés les agriculteurs locaux :
  Le réchauffement climatique qui accentue les effets des vents violents, la sècheresse et la hausse des températures qui impactent fortement la productivité des cultures.
  La forte démographie qui réduit les surfaces agricoles par ménage et qui accentue la déforestation pour obtenir le bois nécessaire à la fabrication du charbon servant à la cuisine.
Il ressort de cette étude une convergence des acteurs pour la promotion d’une agriculture résiliente basée sur l’agroécologie et la reforestation permettant malgré un contexte pédoclimatique défavorable, l’amélioration de la productivité des productions végétales et animales, facteur indispensable pour garantir la sécurité alimentaire du territoire.

Les projets des acteurs locaux s’inscrivent dans les grands programmes d’appui au développement du Sud de Madagascar mis en place par l’Etat Malgache : le programme DEFIS (Développement des Filières Agricoles Inclusives) qui a pour objectif de placer l’agroécologie au cœur de son approche du développement et le programme Mionjo (Soutien aux moyens de subsistance résilients dans le sud de Madagascar) qui se propose de renforcer de développement durable par un accès plus facile à l’eau , renforcer la gouvernance locale et en particulier celle des femmes et apporter les financements nécessaires en cas de situation d’urgence. Cette stratégie nationale est reprise par le Plan de Développement Régionale de la Région Androy, qui au niveau de l’agriculture a inscrit son soutien à la promotion et diffusion des techniques agroécologiques dans les systèmes de productions agricoles et au niveau de l’environnement, la reforestation pour remettre l’arbre dans le territoire et valoriser les espèces endémiques pour la création de brises vent. On peut citer le projet de la ceinture verte qui prévoit de planter sur les dunes littorales du sud malgaches 168 km de brise vent qui pourrait être composées d’Aloès, Didieracées et autres végétaux adaptés aux conditions semi arides du sud malgache.

Parmi les projets étudiés par les étudiants, on peut citer celui des blocs agroécologiques mis en œuvre par le CTAS dans le cadre du programme DEFIS avec l’appui du GRET. Ce projet a permis l’amélioration de la fertilité des sols par l’introduction du Pois d’Angole, plante de service qui apporte à la fois du bois, de la fertilité au sol (apport azote) et de la nourriture et qui par les gains de productivité obtenus a permis l’augmentation du revenu des agriculteurs.

L’étude a permis aussi de relever de nombreuses initiatives en faveur de l’agroécologie et de la protection de la forêt xérophile comme les associations de cultures, la culture sur buttes et l’introduction d’arbres fruitiers dans les haies brise vent chez les paysans dans les projets portés par ACF. On peut citer aussi le projet en faveur de l’agroforesterie à partir d’arbres de la forêt xérophile comme le Varo (Cordia marei) et du Bonara (Albizia) développé par l’association Tinone et les projets pour limiter la déforestation par la fabrication de charbon écologique en substitut du charbon de bois portés par l’association MadAgave à partir des déchets de l’industrie sisalière et par l’ONG Fraternité Sans Frontière à partir de cendre et de manioc. AVSF travaille quant à lui sur des projets pour l’amélioration des techniques d’élevage et d’alimentation animale en incitant à la plantation de cultures fourragères comme le cactus inerme, le Moringa et le Penissetum, dans les communautés pour développer des activités génératrices de revenus en s’appuyant sur des groupes de femmes. Le GRET porte aussi des projets générateurs de revenus comme l‘appui à la production maraichère par des groupes de femmes en finançant des kits d’irrigation avec des pompes solaires permettant le captage d’eau des forages. On peut aussi souligner les initiatives d’UNICEF sur le développement de la filière arachide pour la production locale d’aliments pour les enfants confrontés à la malnutrition. CFL association paysanne qui s’est construite sur la valorisation des sous-produits du Raketa (Opuntia stricta) et qui est aussi impliquée dans la reforestation (Moringa) et l’agroécologie ( canal compost) développe en réponse à la demande d’UNICEF la production d’arachide locale en association avec le cactus inerme utilisé également comme fourrage pour les zébus. Enfin les étudiants ont pu visiter la société Taza, dirigée par un entrepreneur inventif qui fait la promotion de solutions adaptés aux conditions du territoire Androy et qui développe, par la transformation de fruits et légumes locaux, différents sous-produits comme la semoule de manioc, des huiles de ricins, des pâtes d’arachides…

Il est ressorti de cette étude à travers les visites et entretiens que le système agraire, que les agriculteurs antandroy ont acquis au fils des années des compétences techniques leur permettant de maintenir une agriculture pluviale vivrière extensive adaptée à leurs sols et climat. Ils ont particuliers réussi à sélectionner des variétés de maïs, manioc et patates douces capable de se développer à partir d’une faible ressource en eau et à résister aux effets des vents. Ils savent aussi tirer profits des ressources végétales du territoire pour alimenter leurs ruminants : Raketa, cactus inerme, résidus sisal, résidus cultures etc...

On a pu noter que malgré le poids des traditions qui s’opposent parfois à des techniques agronomiques qui pourraient améliorer la fertilisé des sols et donc la productivité des cultures (comme l’interdiction d’utiliser le fumier de zébus dans les cultures vivrières de pleins champs, de ne pas planter d’arbres dans les champs pour ne pas réduire l’espaces des cultures, de ne pas consommer du pois d’Angole etc..) , les acteurs réussissent progressivement par la démonstration, les paysans relais , la volonté des femmes, à faire évoluer les comportements et à faire adapter des innovations.

L’exemple des blocs agroécologique du CTAS en est une belle illustration mais aussi l’introduction de l’agroforesterie par les paysans qui travaillent avec des associations comme Tinone ou bien les activités génératrices de revenus conduites par des groupes de femmes.
Il est donc raisonnable de penser que le système agraire peut encore évoluer dans l’avenir avec davantage d’agroécologie et d’agroforesterie et le retour de l’arbre endémique dans les systèmes de cultures.
La volonté des acteurs institutionnels de reverdir le territoire, faciliter les accès à l’eau par des infrastructures et de coordonner les projets facilitant l’atteinte des objectifs du Plan du Développement Régional devrait permettre d’accélérer ces évolutions.
La visite d’un des 5 groupes sisaliers, SIFOR, montre également qu’ils peuvent participer à ces évolutions. Par exemple le groupe SIFOR autorise l’association de cultures dans ses plantations par les paysans voisins sur les 3 premières années de ses cultures, le groupe HAH développe aussi l’agrotourisme favorisant la restauration de la forêt xérophile et l’habitat des Lémuriens.

En conclusion, ’étude réalisée par les 67 étudiants BTS DARC a mis en évidence la nécessité d’une synergie des acteurs du développement pour relever les 2 défis par une agriculture plus résiliente afin de maintenir le fragile équilibre de la sécurité alimentaire du territoire. La coordination par la Région Androy peut contribuer à cette synergie et sortir de l’idée que l’Androy est un cimetière des projets, alors qu’on peut observer de nombreuses initiatives abouties et opérationnels.
FORMATERRA est en mesure de prendre sa place dans cette dynamique territoriale en partageant son expertise e agronomie et en particulier en agroécologie à travers des formations répondant aux besoins des acteurs et contribuant à la synergie de leurs interventions.

A ce propos, en parallèle de cette étude, Aurélien Velle, enseignant en agronomie à FORMA’TERRA a dispensé sur 3 jours une formation sur les techniques d’agriculture durable et sur l’accompagnement aux changements de comportement à 16 techniciens de CFL, CTAS, AVSF et du GRET. Cette formation s’inscrit dans le programme de coopération régionale que FORMA’TERRA a établi, à la demande de ses 2 partenaires, pour le renforcement des compétences en agroécologie et en agronomie, des techniciens de terrain et paysans leaders impliqués dans les projets des acteurs locaux.
Les participants ont exprimé leur grande satisfaction pour cette première session.

D’autres actions de formation, en réponse aux besoins des partenaires seront mises en place jusqu’en 2028. Des mobilités professionnelles sortantes d’étudiants pourront y être associées comme ça déjà été le cas en 2024 ou un étudiant BTS DARC a réalisé un stage de 2 mois chez CFL à Lavanovo mais aussi des mobilités entrantes de personnels et étudiants de l’Androy et/ou Anosy à La Réunion.

Ce programme de coopération proposé par FORMATERRA s’inscrit dans le cadre de la fiche action 31 du programme INTERREG VI OCEAN INDIEN « formation et partages d’expérience dans l’Océan indien ».


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